C’est dans le contexte de la formation d’un État luxembourgeois indépendant et de l’émergence d’un sentiment national que plusieurs citoyens luxembourgeois se sont associés pour fonder la « Société pour la recherche et la conservation des monuments historiques dans le Grand-Duché de Luxembourg ». Autorisée par l’arrêté royal grand-ducal du 2 septembre 1845, la « Société archéologique » avait pour but de collectionner et de préserver les vestiges du passé national. Son premier président fut le juriste et historien François-Xavier Wurth-Paquet. Lorsqu’en 1868 l’Institut royal grand-ducal a été créé, elle est devenue la section des sciences historiques au sein de cette institution qui regroupe aujourd’hui six sections différentes.

Depuis sa fondation, la Section historique a rassemblé une importante collection d’objets historiques et archéologiques, de manuscrits et de livres. Ces collections ont été successivement déposées au Musée national, aux Archives nationales et à la Bibliothèque nationale. Ces fonds restent la propriété de la Section historique.


Liste des présidents

François-Xavier Wurth-Paquet (1845 – 1853)
Jean (Johann) Engling (1853 – 1876)
François-Xavier Wurth-Paquet (1876 – 1885)
Jean (Johann) Engling (1885 – 1888)
Henri Vannérus (1888 – 1894)
Jean (Johann) Peters (1895 – 1897)
Eugène Wolff (1897 – 1900)
Hyacinthe Schaack (1901 – 1915)
Arthur Herchen (1921 – 1931)
Jules Wilhelm (1931 – 1940)
Nicolas Margue (1945 – 1972)
Joseph Goedert (1972 – 1983)
Paul Spang (1983 – 2009)
Paul Dostert (2009-


La Section historique

de l’Institut grand-ducal a 175 ans.

Le 2 septembre 1845 paraît au « Mémorial Législatif et Administratif du Grand-Duché de Luxembourg »(1) un « Arrêté royal grand-ducal … autorisant la constitution définitive d’une Société pour la recherche et la conservation des monuments historiques dans le Grand-Duché de Luxembourg ».

Aux termes de l’article 1er la « société qui s’est constituée provisoirement à Luxembourg, pour l’encouragement des recherches historiques, … est autorisée à se constituer définitivement en société publique, sous la dénomination de Société pour la recherche et la conservation des monuments historiques dans le Grand-Duché de Luxembourg ».

Dès les années 1830, des voix s’étaient élevées pour s’intéresser à l’histoire nationale, mais non dans un but scientifique, mais plutôt politique.(2) Or, malgré un intérêt croissant à l’histoire du Luxembourg, l’enseignement de l’histoire restait une branche secondaire à laquelle les différents gouvernements n’accordaient que peu d’intérêt. Le régime de la formation des professeurs de Lycée ne prévoyait guère de spécialisation en histoire jusqu’en 1939.(3)

Néanmoins, à partir de 1840, sous le règne de Guillaume II, un petit nombre de personnes agissaient en « archéologues, investigateurs d’objets curieux et de vieilles pierres, romaines de préférence ».(4) A leurs côtés on trouve de nombreux « amateurs et autodidactes »(5), ce qu’on constate également en parcourant la liste des treize fondateurs de la « Société pour la Recherche et la Conservation des Monuments historiques » (1845) qui sera bientôt nommée « Société archéologique », puis seulement « Section historique de l’Institut grand-ducal »(1868).

Les fondateurs.

  • Clasen, Nicolas, médecin, Dr.med. de l’université de Turin
  • Clomes, Pierre, abbé, professeur à l’Athénée, grand collectionneur de livres
  • De la Fontaine, Gaspard, Théodore, Ignace, (1787-1871), juriste, gouverneur
  • Joachim, Pierre Dominique, (1793-1853), professeur à l’Athénée
  • Muller, Michel, Nicolas, (1793-1876), abbé, directeur de l’Athénée
  • Munchen, François, Charles, (1813-1882), juriste, avocat, député au Parlement de Francfort, membre du Conseil d’État, 1850 co-fondateur de la Société d’histoire naturelle
  • Namur, Antoine, (1812-1868), professeur à l’Athénée, Dr.phil. de l’université de Bonn
  • Neÿen, Auguste, (1809-1882), médecin
  • Paquet, Joseph, (1804-1858), professeur à l’Athénée, Dr.phil.
  • Pescatore, Antoine, (1787-1858), industriel, membre des États, député, bourgmestre de la ville de Luxembourg
  • Ulveling, Jean, (1796-1878) membre du Gouvernement, membre du Conseil d’État, député
  • Wolff, Jean-Baptiste, (1795-1866), professeur à l’Athénée
  • Wurth-Paquet, François-Xavier, (1801-1885), juriste, conseiller à la Cour, président du Conseil d’État.

Dès 1842, le docteur Neÿen, « plus féru d’antiquités que de médecine, curieux et entreprenant »(6) avait lancé, de sa propre initiative, un questionnaire pour établir un état des monuments(7) anciens de l’ancien duché de Luxembourg. Le 8 juin 1842, Neÿen obtint audience auprès de Guillaume II au château de Walferdange où il présenta ses projets, mais n’obtenait du monarque que de vagues promesses. Il revint à charge l’année suivante et gagna le soutient du baron de Blochausen. Ensemble avec trois « amateurs d’histoire » (François-Xavier Wurth-Paquet, Jos Paquet et Mathias Manternach(8)) Neÿen avait rédigé des statuts qu’il soumit au gouverneur. Celui-ci estima que Neÿen voyait trop grand et n’apprécia point la dénomination d’ « Institut » que les quatre avaient voulu donner à l’association projetée. Une seconde version trouva l’assentiment du gouverneur qui demanda à Neÿen de faire circuler le projet de statuts dans la ville de Luxembourg et de faire un appel à tous les amis de l’histoire de se joindre à la « Société pour les recherches historiques dans le Grand-Duché de Luxembourg ». Le 14 mars 1844 un comité élargi se réunit à l’Hôtel de ville de Luxembourg. Le gouverneur déclara alors la société provisoirement installée sous le nom de « Société pour la recherche des documents historiques et pour la conservation des monuments anciens. »

Des réunions régulières eurent lieu tout au long des années 1844 et 1845 sous la présidence du gouverneur de la Fontaine et avec Auguste Neÿen comme secrétaire. Les premiers membres correspondants étaient nommés. Des interventions auprès de collectionneurs privés étaient engagées afin qu’ils cèdent leurs objets et documents anciens au « Musée annexé à la Bibliothèque spéciale de l’Athénée de Luxembourg ». Au cours du mois d’août 1845 Guillaume II arriva à Luxembourg. Une délégation composée de MM. Wurth-Paquet, Muller et Clasen fut reçue au château de Walferdange. Le 2 septembre 1845, enfin le Souverain signa l’arrêté constitutif de la société.

Le 23 octobre 1845 le gouverneur installa officiellement la nouvelle association.
Par vote secret, François-Xavier Wurth-Paquet fut élu premier président et Antoine Namur premier conservateur-secrétaire. Une commission composée de Wurth-Paquet, Namur, Clasen et Muller élabora dans la suite un projet de règlement et un projet de budget pour l’année 1845-46.
Ce qui surprend, c’est l’absence d’Auguste Neÿen dans les organes de la nouvelle association pour la création de laquelle il s’était dépensé pendant des années.


(1) Verordnungs- und Verwaltungsblatt des Grossherzogtums Luxemburg/ Mémorial Législatif et Administratif du Grand-Duché de Luxembourg, 1845, N° 46, pp. 457-459. Texte en allemand et en français.
(2) Joseph Goedert, De la Société archéologique à la Section historique de l’Institut Grand-Ducal. Tendances, méthodes et résultats du travail historique de 1845 à 1985. Publications de la Section Historique de l’Institut G.-D. de Luxembourg, volume CI, Luxembourg 1987, p.18ss.>
(3) Paul Margue, « Hommes studieux et amateurs de l’histoire nationale ». Remarques sur nos historiens du XIXe siècle. In : Hémecht, 58 (2009) pp. 515-523.
(4) Ibidem, p.517. « Ils se font épigraphistes et numismates, surtout, grands collectionneurs de monnaies (antiques avant tout). »
(5) Ibidem. « Amateurs dans les deux sens du terme : non-formés à l’étude de l’objet de leur prédilection, mais aussi l’aimant véritablement. »
(6) Goedert, p.39.
(7) Par le terme de monuments il n’entendait pas seulement les vieilles pierres, mais également les vieux livres et les anciens documents après les destructions et autres ravages perpétrés sous le régime français.
(8) L’abbé Mathias Manternach, né le 2 août 1808 à Larochette est décédé le 24 février 1843 à Luxembourg.


Mars 2022
Déclaration de la Section historique de l’Institut grand-ducal de Luxembourg sur la guerre en Ukraine

L’Institut grand-ducal, toutes sections réunies, condamne dans les termes les plus fermes l’agression russe et l’occupation de l’Ukraine. Nous nous joignons aux appels faits au président Poutine de cesser les hostilités et de respecter le droit international et les droits de l’homme.

Les membres de l’Institut sont solidaires du peuple ukrainien ainsi que des citoyens russes qui protestent avec courage contre l’invasion. La communauté européenne est appelée à accueillir les personnes déplacées par le conflit, à se montrer ouverte à toutes les victimes d’injustices sur une scène mondiale de plus en plus en proie à la violence.

Nous, les membres de la Section historique, rejetons avec force les pseudo-arguments historiques avancés par le Président Poutine pour justifier l’invasion de l’Ukraine. Nonobstant son intégration dans l’Empire tsariste et dans l’Union soviétique et nonobstant ses liens spirituels avec la Russie au sein de l’orthodoxie, une langue bien distincte et une vieille culture existent depuis des siècles en Ukraine, région carrefour entre l’est et l’ouest. Le sentiment national et l’aspiration à l’indépendance ne purent être enrayés par le pouvoir soviétique et ont débouché en 1991 sur la proclamation d’indépendance de l’Ukraine. Le Président Poutine, par une simplification grossière, réécrit l’histoire de l’Ukraine en faisant disparaître ce passé et en l’agrégeant à l’histoire russe pour lui enlever son caractère national distinct.

Les membres de la Section historique s’inquiètent tout particulièrement du sort tragique des chercheurs et professionnels de la culture ukrainiens qui, outre les menaces de mort auxquelles ils se trouvent confrontés quotidiennement avec leurs familles, subissent aussi la destruction de leurs outils de travail. Nous nous préoccupons aussi de la situation des nombreux chercheurs (parmi lesquels surtout des jeunes, des doctorants, des étudiants) et acteurs culturels russes qui ont eu le courage remarquable de dénoncer l’attitude belliqueuse de leur pays. Confrontés à la répression sévère qui sévit déjà et qui s’aggrave en Russie, maints opposants ont fui en toute hâte à l’étranger.

Nous rejoignons toutes les institutions académiques, universitaires et de recherche dans le monde pour demander à la Russie l’arrêt immédiat des hostilités qui entrainent des massacres de civils innocents, la fuite d’une partie importante de la population et la destruction progressive et complète du tissu économique et culturel de l’Ukraine.
La voie choisie par le Président Poutine risque aussi de briser les riches relations de coopération qui se sont développées au cours des trente dernières années entre chercheurs et acteurs culturels de la Russie et des pays occidentaux, alors que la culture et la science devraient au contraire faciliter les échanges, la compréhension réciproque et la paix entre peuples.

Les membres de la Section historique de l’Institut grand-ducal de Luxembourg,

Paul Dostert, président, Gérard Thill, Raymond Weiller, Jean Schroeder, Jean Krier, Guy May, Georges Hellinghausen, Monique Kieffer, Michel Margue, Charles Barthel, Henri Trauffler, Josée Kirps, Michel Polfer, Alex Langini, Marc Schoentgen, Guy Thewes, François Reinert, Marc Schoellen.